Suivirent trois journées durant lesquelles le vent violent fut à nouveau
mon seul ennemi..
A Wu Wei, grande ville aux pieds des Quilian Mountains aux multiples sommets
de 5000m superbement enneigés, je subi ce que tout routard subi au moins une
fois en Chine. J'étais installé dans un luguan depuis 1h et mes bagages étaient
déballés, lorsque arrive un mec, chemise blanche et pantalon noir, genre jeune
cadre dynamique... mais ne parlant pas un mot d'anglais.
Je comprend très vite cependant que je ne dois pas rester ici... je dois aller
dans un HOTEL (il doit toucher une commission...) Je connais l'issue mais
je fais traîner les choses, négociations... interprète... puis je quitte les
lieux sachant que sinon, c'est la patronne du luguan, sympa et très embêtée
qui aura des ennuis. Mais je précise au mec que je ne mettrai pas les pieds
dans son hôtel.
Je refait mon paquetage, remonte sur ma bécane, traverse la ville et m'installe
dans un autre luguan où je n'aurai pas de problème. Quelques sueurs cependant
lorsque vers minuit le téléphone sonne... mais ce n'était qu'une dame proposant
ses charmes.
C'en est fini du désert... j'aime ça, j'en voulais... mais là, j'ai eu ma
dose... va falloir la digérer avant d'affronter à nouveau le Gobi en Mongolie.
Enfin arrivèrent les montagnes ( c'est plutôt moi qui vint à elles) et le
vent devient enfin ami. Deux cols (2500 et 2950m) dans de hautes vallées cultivées
ou les moissons battent leur plein. Je côtoie la Grande Muraille (ce qu'il
en reste) pendant prés de 100 km.
Mais le changement géographique s'accompagne d'un changement météo, le paysage
est brumeux et au sommets du second col, je suis accueilli par une averse
orageuse heureusement de courte durée, mais à cette altitude, faisait
pas chaud.
Dans la descente, un pont étant en réfection, je dus affronter à gué les eaux
boueuses, gonflées par l'orage, de 3 bras de rivière...
Je décide un soir de m'arrêter dans un petit village afin de ne pas arriver
à la nuit dans la capitale de la province, Lanzhou. Au luguan, quelques étudiants
vinrent bavarder avec moi... Ils parcouraient... à vélo la même route que
moi mais en sens inverse, jusqu'au Xinjiang.
Je fus leur hôte à dîner et comme la spécialité locale était la rose, je découvris
le thé à la rose, le riz à la rose et les petits pains vapeur à la rose, puis
pour accompagner la bière, des tranches de concombre et de tomate trempés
dans le sucre en poudre... soirée jeune et sympathique.
Plus je descends, plus la route se dégrade et je dois porter le masque, la poussière argileuse soulevée par les camions sur les portions sans bitume étant permanente.
Hier fin de matinée je suis arrivé à Lanzhou, capitale de la Province du Gansu... Wouhaou !!! Tu connais le 13ème arrondissement à Paris... tu multiplies par dix, tu remplaces la Seine par le Huang He (Yellow River, Fleuve Jaune et ce n'est pas un euphémisme), tu étires sur 15 Km et tu encadres la vallée par de hautes collines ocres coiffées de pagodes et de temples puis tu loges là 2 millions d'habitants... et là, le Gégé qui n'a ni plan ni info doit trouver une chambre...
Mais je commence à m'imprégner de la Chine et des Chinois... patience, patience...
pas s'énerver (dur) et laisser faire la chance et le hasard.
Il y a ici le pire et le meilleur, le mec qui, interrogé sur une direction
à prendre t'envoie paître d'un geste qui veut dire casse toi je ne
te comprend pas. Hier c'était le meilleur. Alors que je tente de négocier
dans une incompréhension totale une chambre dans un hôtel, un Chinois, jeune
et employé de banque, me propose son aide, m'accompagne dans un autre établissement
(complet) et finalement m'accueille chez lui.
Nous montons mon barda au 7ème étage... sans ascenseur... Douche, thé,
vin chinois (sans commentaire), puis nous allons déjeuner... en scooter.
C'est un restau spécialisé dans le pied de cochon... Arrivent sur la table
2kg de pieds de cochons et de travers de porc ( va savoir pourquoi les pieds
sont de cochons et le travers de porc ?...)... délicieux.
Puis toujours à scooter, nous allons visiter un temple sur une montagne
proche. Ensuite, ce sera taxi et télésiège pour monter à 2000m finir l'après
midi dans un parc (Lanshan) où les autochtones vont le week-end échapper au
smog de la ville.
Il m'explique que le soir nous mangerons "cheap" (bon marché)... Taxi, ami,
restau au bord du Huang He... accueil par 5 hôtesses en robe de soie rouge...
salon particulier... Bon marché !!!... Je suis béat... et je comprends
ma méprise lorsque sur la table parmi d'autres spécialités, arrive un énorme
plat de gigot de mouton... Sheep et non cheap... Faudra que je bosse mon anglais
et lui son accent...
Un autre ami nous rejoint. Il est journaliste dans un quotidien provincial,
et m'informe qu'il a trouvé une chambre pour moi.
Je passe les détails, mais à 23h30, ils seront 4 à transférer mes bagages
et à m'installer au... 17ème étage d'un hôtel (avec ascenseur cette fois)
impeccable dont je partage pour 3 euros la nuit une chambre avec un étudiant
chinois.
Bien évidemment, je fus invité toute la journée, et cet ami (qui gagne 200
euros à la banque de Chine) a dépensé pour moi dans la journée mon budget
de la semaine...
Ce matin, Kunz, le journaliste m'a offert le déjeuner, fait visiter un quartier
de la ville et je profite en ce moment d'Internet dans son bureau. Ensuite,
je laisserai faire le hasard.
Rendez-vous dans une semaine à X'ian, ancienne capitale de l'Empire de la
soie.
Biz à tous etc.
Gégé
Ni Hao,
Lorsque je vous ai quittés, j'allais visiter la forteresse attenante à la Grande Muraille. Si comme je vous l'avais dit, la Grande Muraille était décevante, en revanche la forteresse (époque Ming, 14ème était imposante, plusieurs murs d'enceinte entourent des cours intérieures et elle est coiffée de bâtiments aux toits en forme de pagode. Je n'ai croisé qu'un couple d'étrangers mais énormément de visiteurs chinois en dépit du prix élevé de la visite (auquel j'ai échappé...) 6 euros alors qu'un enseignant en gagne 170 par mois... et que mon budget quotidien est de... 5 Euros...)