Voilà mes premières impressions sur la Chine mais comme disait Voltaire, celui qui ne voyage qu'en passant prend les abus pour les lois du pays. C'est pour ça que je vais passer près de trois mois dans ce pays et mes impressions deviendront, je l'espère, des certitudes et reflèterons je le souhaite des réalités. Zai jian (au revoir) - Le russe j'arrivais à décoder... mais là c'est du chinois... le plus facile, c'est merci... on dit Chiéchié…
Biz a tous.
Gégé
20Km avant Kachgar, des vélos, des centaines de vélos, voir des milliers...
un peloton de 5 ou 6 km... t'aurais cru la " Jacques Anquetil "... que nenni...
simple sortie d'école...
Alors que les jours précédents t'avais pour compagnie les chevaux, les moutons
et les marmottes... ça fait un choc...
Le bazar proche de la vieille cité reste haut en couleur. Quant à la nourriture, il y en a à tous les coins de rues et même entre les coins. Je partage une double chambre à 5 lits avec salle de bain nickel... Suissesse, japonaise, canadien etc. tels sont mes sympathiques compagnons de chambrée... 3 € la nuit... et tu me croiras pas, savonnette, brosse à dents, dentifrice et... peigne individuel sous blister... sont fournis.
Ni hao,
Le bonheur, tu sais ce que c'est toi... ? J'vais te dire, lire, le cul dans l'herbe fraîche, un San Antonio (pas se masturber les neurones avec du Proust ou du BHL) et quand tu tournes la page, tu lèves la tête et t'as en toile de fond la vallée magnifique de Tash Rabat et son caravansérail de pierre noire, millénaire, isolée du monde par des montagnes et des pistes difficiles. Les vaches paissent, les bourricots braient, les petits chevaux kirghizes se grattent le dos deux à deux, les marmottes rousses sifflent, les marmottons batifolent, la rivière translucide gronde, les oiseaux jaunes ou rouges gazouillent, les chiens aboient... mais la caravane ne passe plus... Bon d'accord, à 3100m d'altitude, c'est pas les Sechelles, t'es pas à poil par 35 degrés à l'ombre au milieu de filles blondes aux seins nus. L'eau de la rivière ne dépasse guère les 2 degrés alors pour la toilette, c'est pas un bain prolongé... Mais Bon Dieu, QUEL PIED ! Ca sert à rien de chercher d'autres qualificatifs mais simplement, je crois bien que le bonheur c'est ça. D'ailleurs, la jeune fille qui m'a pris en charge (pas en mains, allons !) et m'assure le couchage sous la yourte et la bouffe, porte des jeans et un chapeau de cow-boy (c'est moins folklorique qu'un vieux Kirghize au chapeau de feutre brodé et à la barbiche rousse, mais ça parle anglais) poursuit des études d'écologie à l'université afin de pouvoir continuer de vivre dans SA vallée. Elle a tout compris ! Hein ! Si je n'avais pas eu une échéance imminente avec les Chinois, je serais sans doute resté ici un bon moment... mais sur, je reviendrai...
Bon mais faut quand même que je vous cause un peu de ce que j'ai fait depuis mon dernier bavardage. Je vous ai laissé à Bichkek, ville qui m'a bien inspiré je vous l'ai dit. J'ai fait une petite ballade bus et auto stop pour aller visiter la vallée d'Ala Archa, dans la chaîne de l'Ala Tau, au pied des 4000 majestueux, et là j'ai "testé" le cheval kirghize. Une heure. A la différence du vélo, y'a pas à pédaler, mais pour la selle et ce qu'on pose dessus, c'est guère mieux... et puis, c'est pas comme le scooter, l'accélérateur et le frein, on trouve pas du premier coup, mais j'ai tout de même terminé au petit trot...
A Bichkek, ma dernière soirée se passa avec des japonais et des anglais. Nous avons commencé avec des chachliks et de la bière (c'était l'apéro) puis il y eut le repas, et encore de la bière... J'ai pas suivi à la vodka, mais je peux dire que les Japonais ont de la santé...
Les étapes qui suivent me font traverser à nouveau les Tian Chan, et ça commence
par une transition plate, puis pour rejoindre le lac Isyk Kol à 1600m d'altitude,
le vent va me donner un sérieux coup de main.
Bien que le relief soit marqué, je grimpe les faux plats à 25 à l'heure malgré
mon chargement, mais en haut, ça se gâte et j'arrive au bord du lac sans jouir
du panorama... il commence à pleuvoir et la visibilité est nulle. Je me réfugie
dans un restau en attendant des heures meilleures et effectivement la pluie
ne dure pas, mais le vent, si. Monter la tente dans les pâturages qui bordent
le lac avec un vent a 80 km/h, c'est du sport... mais vous pouvez dire à Decathlon
que son matos tient bon. Et mon réchaud MSR me permit de faire une gamelle
de nouille chinoises et un litre de thé dans la tempête. Au matin, grand calme,
le lac scintille encadrés par des sommets enneigés. Faut que j'vous en dise
plus, Issyk Kol, ça veut dire mer chaude... il ne gèle jamais. Les anciens
disent que c'est la marmite en dessous qui le chauffe. C'est une des plus
grande étendue d'eau de source du monde, près de 200 bornes de long, profonde
de 700m, alimentée par 80 rivières et sans exutoire. Faire le tour et randonner
alentour, ce sera pour une autre fois, mais si tu sais pas où aller en vacances,
je te promets que ça vaut le voyage.
Lors du bivouac suivant, juste avant Sary Bulak, à la sortie d'une vallée verte et de gorges rocheuses, je décide de ne pas monter la tente afin de profiter des étoiles. Nuit magnifique à 2200m, voie lactée majestueuse par cette nuit sans lune. Ce que je n'imaginais pas, c'est qu'à cette altitude, il y ait de la rosée... et à 3h du matin, le duvet est mouillé.. à 5h, il est gelé.. -4 degrés dit mon thermomètre. Alors, le Gégé bien au chaud, il attend le soleil pour sortir de la plume.
Ensuite je dois m'attaquer à une succession de cols. Le Dolon d'abord, se termine par 4km à ahaner en poussant la bécane sur une piste non stabilisée où les cailloux fuient sous les roues et roulent sous les pieds pour me hisser à 3035m d'altitude. Puis le Kyzyl Bel (2484m) au revêtement identique m'offre en revanche une bonne descente. Ensuite l'Ak Bejit Pass (3282m) où le temps se gâte et au sommet duquel un berger kirghize à qui je demandai s'il allait pleuvoir me dit "tchutchuk" (un tout petit peu) Dix minutes plus tard, aux premiers coups de tonnerre, je m'habille de pied en cape, et c'est sous un orage de grêle qui cingle les cuisses et meurtri les mains que j'arrive au check point de Korgantash (55 km avant la frontière chinoise) où je me réfugie. Accueil peu chaleureux des militaires, et comme je ne peux leur faire de polaroid, que je dis ne pas avoir de dollars, et que ma bouffe est au fond du sac... dès que l'orage cesse, ils me disent "davaye" qui plutôt que "tu peux y aller" ressemble beaucoup à l'intonation d'un "fou le camp" péremptoire... tu connais mon amour pour la grande muette, je leur ai dit ma façon de penser... L'accalmie a permit que j'installe ma tente 1km plus loin en terrain sec, que je me fasse un frichti, puis la pluie est revenue, tout l'après midi... alors les prévisions du berger, homme de terrain s'il en est, c'est comme celle du paysan berrichon ou du bouvier Morvandiaux, mieux vaut écouter France Inter... mais ici...
Tash Rabat, j'ten ai causé au début.
La dernière étape (ou plutôt les 2) c'est la Chine qui est au bout et les
3600m d'altitude du poste frontière, suivi le lendemain des 3752m du Torugart
ne furent qu'une formalité : Piste raisonnable, faible pourcentage, temps
superbe (il y a encore eu des orages l'après midi sur les sommets)
Les troupeaux deviennent rares, les marmottes pullulent, les aigles sont nombreux,
quelques oies sauvages rouge-orange (je sais pas la marque), s'envolent à
mon passage en criant comme quoi elles sont pas contente...
J'ai donc bivouaqué à 3600m d'altitude, à 800m du poste frontière kirghize.
Il y a là une vingtaine de "wagons" et des bâtiments administratifs. Il n'y
a pas de restau, mais les familles proposent du thé et du " manger "... faut
pas être regardant sur l'hygiène... d'autant plus que j'avais pas du tirer
le bon numéro... La dame était "San Antoniesque", une Berthe Bérurier de 30
piges, dans une robe de chambre défraîchie et sale, éructant sans cesse...
mais son bortsch (soupe aux choux) et ses manthis (gros raviolis) étaient
bons... et ses tarifs raisonnables (les tarifs du repas...)
Au matin, pendant que la tente dégelait, je récidivais avec la soupe aux choux
en guise de petit déjeuner.
Pendant la nuit étaient arrivés 25 semi-remorques chinois chargés de ferraille...
(j'en avais déjà vu plusieurs fois en convois) Les Chinois pillent l'Asie
Centrale, (ou la débarrasse de ses déchets - raisonne à ta convenance... )
J'avais terminé les formalités avant eux et j'ai pu terminer l'ascension du
col sans la poussière, les premiers camions arrivant en même temps que moi
au sommet.
Au poste de garde chinois, on ne me fit aucune difficulté et je pus faire
à vélo les 5km de no man's land qui descendent jusqu'au poste de frontière
chinois. Là une jeune fille (encore...) Ouïgour, mais que j'avais prise pour
une occidentale eu égards à ses lunettes de soleil, sa casquette de base ball
et ses jeans, m'accueilli dans un anglais impeccable. C'était la représentante
de l'agence chinoise qui devait me conduire à Kachgar (160$, c'est le tarif,
rackets organisé et officiel), les 110 km de descente jusqu'au poste frontière
administratif étant interdits à vélo. Frustration car la vallée est fabuleuse.
C'est au km 110 que se passent les formalités administratives frontalières
chinoises.
Faut bien que je vous amuse un peu... D'abord, on a du attendre 1h, les militaires
mangeaient... Puis ils sont sortis de la cantine, garde à vous, pas de l'oie,
pour rejoindre leur poste.
Contrôle sanitaire... on m'a collé le thermomètre... sous le bras, ensuite,
contrôle militaire, puis contrôle police, et enfin douane... Aie! J'ai planque
le GPS (interdit en Chine) dans une basket, dans la remorque... et la remorque
passe aux rayons X ou Y (comme à l'aéroport)... N'a vu que du feu le douanier...
en revanche, ce qui l'a inquiété ce sont les bouquins dans mon sac à
dos... Eh oui ! Les bouquins véhiculent les idées... et les idées ici...
Bon ça y est enfin, cette journée longue s'achève, voici Kachgar. Voici la Chine. "Quand la Chine s'éveillera" qu'il avait écrit le Peyrefitte... et bien je peux te dire qu'elle est réveillée... et je comprends leur besoin de ferraille... Ce carrefour obligé des différentes routes de la soie, il n'en reste qu'un petit morceau. Une Old City, préservée, entourée de bâtiments modernes à l'occidentale que tu te croirais à Créteil Soleil. Une Old City qui devient un musée de plein air livré aux hordes de japonais bardés d'appareils photos et où les habitants se prêtent au jeu en posant pour leur postérité au pays du soleil levant (poil aux dents)