Ca y est, je l'ai vue... la "Grande... Muraille..." mais pour arriver là,
la partition n'avait pas beaucoup changé, mais la musique... si !
En quittant Turfan, pour sortir de la dépression qui est 150m "abowe the
see level" le décors de canyons ocre et rouge et de collines jalonnées
de milliers de séchoirs à raisins (Turfan est la capitale du raisin
sec) avec en arrière plan des oasis et les derniers 4000m des Tian Chan enneigés,
est superbe.
Mais après Hami, ça se gâte. D'abord à nouveau le cagnard avec 42 degrés,
puis le vent et quand je dis le vent, c'est pas une brise de mer ou un coup
de Mistral... non... Du vent d'Est soufflant à plus de 80 kmh. Ma route
traverse maintenant une zone désertique de plus de 600km, le couloir du Gansu
situé entre la partie occidentale du Gobi et le désert de la dépression de
Hami, accompagné de quelques chaînes de montagnes de moyenne altitude (1500/1700m)
Le 13 juillet, je passe 45 minutes, à tenir le vélo calé contre un talus à
45 degrés mais soulevé à chaque bourrasque... Je continue près de 2h à pieds
et lorsque je remonte sur le vélo, le vent étant latéral, je fais fréquemment
des embardées de 2m surtout à chaque passage de camion. Avec un équipement
vélo et sacoches, j'aurais été au fossé plusieurs fois, heureusement
la remorque avec sa charge basse me stabilise un peu. Un cyclo Irlandais,
croisé le lendemain, m'avoua avoir eu de grosses frayeurs ( et ce n'étais
pas un débutant).
Le soir, j'évite donc les bivouacs C'est impossible de monter la tente, et
je n'ai pas envie de manger du sable toute la nuit alors que je peux avoir
un luguan pour 1 ou 2 euros. Le luguan est un hébergement qui peut être fort
correct mais souvent très rudimentaire et je fus même un soir éclairé
à la bougie... contraste dans ce pays aux villes ultra modernes, mais dont
certaines campagnes sont au début du siècle (dernier)
Bon, mais le vent... trop c'est trop... je suis courageux mais en grandes
vacances... pas au bagne...
Alors le 15 juillet, je jette l'éponge et fais l'étape en bus... Le soir (luguan
avec télé) je vois Virenque gagner à St Flour... Si Virenque peut encore gagner,
alors, moi aussi je peux gagner une étape contre ce putain de vent... et le
lendemain, moralement gonflé à bloc, (tout se passe dans la tête, les
sportifs le savent bien) je décide d'oublier qu'il y a des transports en communs
et enfourche Arthur (qui d'ailleurs n'a pas apprécié la galerie du bus hier
- dérailleur faussé que j'ai beaucoup de mal à régler correctement)
pour affronter le désert venteux.
Heureusement, cette étape sera moins monotone, les oasis étant fréquentes
et le Coca Cola aussi. Le vent est toujours aussi fort, mais de face, et c'est
moins dangereux car je ne fais plus ces embardées latérales épuisantes. De
plus j'ai une pêche d'enfer... "la niaque"...
J'arrive à Hami sans problème et là, je passe une soirée sympathique dans un restau de rue (la bouffe se fait sur le trottoir, les gens installant chaque soir leur matériel rudimentaire). Un gamin de 10/11 ans, demande à son père la permission de venir bavarder en anglais avec moi...Il est génial et s'exprime correctement. Très vite, le père se joint à nous. Il parle aussi l'anglais et est professeur de chinois. C'est une famille Ouïgour, chaleureuse. Il refuse la bière que je lui offre, mais 2 minutes après, des bouteilles arrivent sur la table, accompagnées d'une quinzaine de kebabs, brochettes de moutons, moitié viande, moitié gras, mais les petits cubes de gras sont fait de graisse de queue de mouton et sont absolument délicieux. Nous devisons gentiment, évoquant les problèmes locaux et un peu de politique... Paris, la Tour Eiffel, Disney etc. Bière, re-bière... puis, lorsqu'ils prennent congé, tard dans la soirée, la serveuse m'informe que la dame a réglé toutes les additions, la mienne comprise...T'as déjà connu ça à Paris où a Créteil...
J'ai croisé une "sorcière"... Tu sais pas ce que sont les sorcières...? J'explique... Ce sont de grandes colonnes de poussière et de sable, tourbillonnantes et se déplaçant à grande vitesse dans le désert... un mini cyclone de 20, 50 ou 100m de haut. Je les vois se former et se déplacer et lorsque l'une d'elles va croiser ma route, je m'arrête avant. Mais là, le nez dans le guidon et la visière très basse, j'ai rien vu venir... et quand les premières vagues de sable ont balayé la route devant moi, c'était trop tard... la seconde suivante, je la prenais de plein fouet... Oh ! ça dure pas longtemps, 30, 40 secondes mais c'est comme si t'étais entre le mur et le pistolet à sable du ravaleur de façade... et t'as pas le mur pour te tenir.... faut te cramponner à la bécane. Un autochtone qui me suivait ( et qui n'avait pas de freins V-brake...) a été projeté au bas du talus... Après, t'as du sable partout, dans les poches, les godasses, les oreilles, et ça craque sous la dent.
Puis au terme de 9h15 d'efforts, enfin, Jiayuguan et la Grande Muraille...
ou si tu préfères un mur de pisé de 3 mètres de haut et d'un mètre
d'épaisseur... On est loin de la capitale d'Empire de l'époque et les Mandarins
escroquaient volontier l'Empereur. Ils mettaient le pognon à gauche,
faisaient un ouvrage sommaire (parfois un simple muret d'argile - cf "les
carnets du Père Huc" ) et rentraient dire à l'Empereur -chef on a fini - certains
qu'il n'irait pas faire 3000 bornes pour vérifier le travail accompli.
Mais bon, c'est la Grande Muraille, c'est mythique à défaut d'être grandiose,
et puis, il y a une forteresse et un musée que j'irai visiter tout à l'heure
quand j'en aurai fini avec ce clavier QWERTY de merde dont la moitié
des touches sont effacées...
Je vous dis deux mots sur la nourriture... Pas facile d'expliquer ce qu'ont veut ou de comprendre ce qu'on me propose, mais globalement pas de surprise si ce ne sont les plats épicés... ouhaouu !!! Quant au maniement des baguettes pas de problème... d'ailleurs le Chinois ne mange pas, il pousse un peu avec les bouts de bois et aspire... Coté style c'est un peu chien dans la gamelle, alors j'imite, je fais seulement un peu moins de bruit... Même les liquides (thé, soupe) s'aspirent... au début, quant le bol est plein, sans même le tenir à la main... Coté quantité, le Chinois semble assez glouton... et les plats pour un, feraient le bonheur de 2 ou 3 convives chez nous... Les légumes, j'peux pas vous expliquer, je sais rarement ce que c'est, mais je n'ai pas encore été déçu. Dans le Gansu, ce sont des mangeurs d'ail... ils en mettent même dans le thé... ils en grignotent en attendant leur plat et hier, dans des oeufs brouillés à la tomate, j'avais au moins 2 têtes (pas des gousses) entières...
Voilou, voila. Je vous donne rendez-vous à Lanzhou dans quelques 800 bornes et une dizaine de jours, après quelques passages montagneux... à 2500 et 2950m alt.
Biz à tous et plus etc.
Gégé
1 crevaison (remorque) au km 6000 -111 kilomètres en bus.
Ni Hao