Zdrastvouy Tavarichtch,
Ca y'est, t'es arrivé au boulot, t'as les pieds sous le bureau… c'est beau la vie active… tu te lèves, tu vas bosser et là, y'a des mails qu'arrivent du bout du monde pour égayer ta journée… Je vais essayer d'être bref… pas gaspiller le pognon de ton patron… J'ai donc passé 5 jours à Oulan Baator, ville sans âme, sans architecture urbaine, avec ses quartiers de yourtes sédentarisées, presque en centre ville, côtoyant des HLM délabrés au rez de chaussée desquels poussent des excroissances qui deviendront boutiques minuscules ou officines quelconques.
L'étoile rouge a disparu du Soyombo (emblème national trop long à expliquer,
mais tu cherche
sur le Net…) depuis 8 ans, mais 75 ans de communisme, ça laisse des traces…
La preuve, dans les montagnes, les choucas ont le bec rouge… Et les montagnes
j'y suis t'été.
En bus d'abord, puis pédibus et sac au dos ensuite, au pied du Tsetsegum Uul,
le plus haut des 4 sommets qui ceinturent Oulan Baator. Jadis, un monastère
tibétain avait colonisé les lieux, véritable ville au fond de cette vallée
superbe où bouleaux et mélèzes, refroidis des pieds par la neige précoce,
dorent au soleil revenu… Mais hélas, les "camarades" ont fait le ménage, du
passé ils ont fait table rase et aujourd'hui, du monastère, il ne reste que
les pierres des fondations, un site superbe… et les choucas à bec rouge…
Le retour de cette excursion, je l'ai fait en voiture avec un groupe de jeunes
étudiantes qui m'ont invité à partager leur automobile d'abord, puis ensuite…
leur pique-nique du soir au bord de la rivière Toul, au sud de la ville. Et
ici, pique-nique rime avec cocotte minute, légumes sautés, viande et riz,
arrosé de vin … de… Russie…
J'ai quitté la capitale Mongole le 22 septembre, en short et en chemise…
journée magnifique dans les steppes, côtoyant chevaux et yacks.
Le soir, j'ai planté ma tente à proximité d'un groupe de gers (c'est le nom
mongole de la yourte) et le contact fut immédiat. Le plus jeune de la famille
me laissa son cheval et utilisa Arthur pour rassembler l'immense troupeau
de chèvres et de moutons… Deux d'entre eux n'ont pas tiré la bonne boule dans
le sac et ne regagnèrent pas le pâturage ce soir là, mais la marmite… Viandes
et laitages sont quasiment les seuls aliments des nomades Mongols. Désormais,
je n'ignore plus rien de l'anatomie interne du mouton, ni de la façon de traiter
boyaux, estomacs et autres tripailles, tout étant utilisé…
J'ai bien sur découvert toute la gamme des fromages mongols, frais, demi-sec,
séchés au soleil, mais aussi bu l'airak qui est le koumis fermenté (lait de
jument) et le "whisky mongol", l'arkhi, seul alcool d'origine animal, obtenu
en distillant l'airak. Bien entendu, ma gamelle du soir fut enrichie de quelques
morceaux de mouton bouillis, le méchoui n'étant pas de rigueur ici, le bois
de chauffage étant une denrée rare.
Et puis… et puis…! Le vent du Nord est venu gâter les jours suivants cette
belle symphonie des steppes… La température a chuté brutalement, le ciel s'est
couvert lentement et ce fut l'hiver. Moins 5 degrés les matins quand je lève
le camp, moins 1, moins 2 quand je remonte la tente le soir… Pendant une dizaine
de jour, le thermomètre refusa délibérément de passer dans le positif. Par
deux fois la neige m'accompagna, oh, pas beaucoup, mais assez pour blanchir
la steppe, rougir les pommettes des filles Mongoles et bleuir les orteils
à Gégé…
Le 28/9 il y eu un peu de soleil, juste un peu pour fêter une entrée en Russie
qui se fit sans difficulté…étonnant ! Non ? Coté paysages, la transition fut
presque immédiate. A la steppe mongole succéda la forêt sibérienne, de bouleaux,
mélèzes et sapins. Les pâturages se raréfièrent ainsi que les troupeaux de
yacks et de chevaux. Mais le vent du Nord, le bougre, était toujours aussi
glacial et le lendemain fut une nouvelle journée neigeuse. La pluie succéda
à la neige lorsque je fus proche du lac Baïkal et le 3 octobre, il faisait
4 degrés au-dessus de zéro lorsque, à 9h du matin j'enfourchais Arthur, sans
Gore Tex, sans bonnet et sans sur chaussure… enfin du soleil… un peu timide,
les nuages étant aussi nombreux que les côtes qui se succédèrent, car la Sibérie,
faut pas croire, c'est pas plat…
C'est enfin avec un plein soleil que les trois jours suivant (les trois derniers),
je longe le lac Baïkal. Les montagnes et les forêts, dominées au Sud par une
chaîne enneigée font au lac un somptueux écrin de rouge, d'or et d'argent
où de maigres et pauvres villages jalonnent la ligne de Transsibérien.
Le défilé des trains est impressionnant car en fait, 3 lignes passent par
ici, le Transsibérien, le Transmongolien, et le Transmandchourie. Et la nuit
au bivouac, t'as l'impression d'habiter près des gares d'Alfortville
ou de Villeneuve Saint-Georges.
Pendant 10 jours, sitôt la tente montée, j'étais dans le duvet. Ces derniers
jours, j'ai profité du soleil le soir et mes derniers repas furent enrichis
par des barbecues de poissons du lac que des vieilles au dos voûté, au fichu
de laine noué au menton, engoncées dans des manteaux sans age et l'éternelle
cabas au bras, vendent au bord de la route…
Voilou, voila… Je reste quelques jours a Irkoutsk…. Irkoutsk est une très
grande ville industrielle avec ses vieilles maisons de bois qui s'enfoncent,
penchent, et meurent doucement faute d'entretien, avec un smog conséquent
sur la vallée de la rivière Angaran, avec ses clochers à bulbes, son tramway
sans âge, ses bus bringuebalants… et ses jolies filles victimes de la
pénurie… Mais j'ai toujours pas vu Michel Strogoff… Dimanche je m'embarque
pour 80 heures de trains… (ouais, tu peux compter, ça fait trois jours et
demi) jusqu'à Almaty, d'où un navion me ramènera, via Téhéran, vers un automne
hexagonal.
Da skorava,
Biz à tous et plus etc.
Gégé
Bon, les Russes et la Russie… j'en cause un peu ? Oh ! Ouais ! Je vais encore
pas me faire des copains sur ce coup là… En 1992, j'avais déjà pédalé quelques
milliers de kilomètres entre Sibérie et Russie… Expérience…
Je note des améliorations… D'abord au restau routier, maintenant, en plus
de la cuillère, t'as droit à la fourchette et au couteau… Le pain a pris quelques
qualités… peut-être dues aux excédents de blés de la communauté européenne…
on trouve même des pains briochés et des gâteaux. Dans le saucisson, on sent
maintenant la présence du cochon et dans le chocolat, il y a désormais un
peu de cacao. Le miel aussi a progressé, les abeilles devant enfin participer
(un peu) à son élaboration… La chimie, Oh ! Oui ! grand progrès… les yaourts
à la fraise… wahou… ça sent bien la fraise…
Coté route, ils font des efforts, mais le résultat est désespérant… y devraient
demander aux Chinois…
Dans les villages, l'eau (quand il y en a ) est toujours à la pompe, au puits,
voir à la source.
Les camions polluent toujours autant et oh, surprise, les Ladas vivent encore…
Quant aux Russes, ils sont toujours aussi gentils, prompts à offrir un service,
un poisson ou du chocolat.
J'étais interpellé en permanence par des "atkouda ?" (d'où tu viens
?) mais nombreux étaient ceux qui reconnaissaient le drapeau français flottant
derrière la remorque…
Mais qu'est-ce qu'ils picolent ! Hommes… et femmes… et dans les "magazins",
y'a plus de bibines que de produits alimentaires. Et puis…et puis… il y a
cette pénurie qui frappe les jeunes, surtout en ville. Pénurie de tissus qui
oblige les jeunes filles et jeunes femmes, malgré les frimas précoces, à garder
les cuisses, et même parfois le ventre, à l'air, avec des jupes réduites à
leur plus simple expression. Mais que font les camarades.… enfin !
crevaison vélo : zéro, 1 crevaison remorque… Fin du voyage pour Arthur