Salam,
Buxoro, ça, c'est en ouzbek, et c'est écrit comme ça sur le panneau a l'entrée
de la ville. En russe, c'est "byxapa"… bon, j'abrège, je suis à Boukhara,
cité sanctuaire de l'Asie centrale ancienne, ville aux 360 mosquées,
d'où la religion se retira sous les sabots de Gengis Khan, celui que les manuels
d'histoire qualifient de "plus grand conquérant de tous les temps" (Eh ! T'y
crois, toi, qu'il est né d'une daine et d'un loup ? … )
Il rasa la ville mais aussi Samarkand et Merv et d'autres encore… Du passé
faisons table rase… c'était déjà dans l'air du temps, mais il épargna le Minaret
Kalyan, impressionné par ses 47 mètres de haut.
Huit siècles plus tard, les obus bolcheviques furent moins sentimentaux… Heureusement
restauré, ce minaret fait désormais partie du patrimoine mondial de l'UNESCO.
C'était la séquence histoire…Je vous avais quitté à Machhad, ville
sainte d'Iran. Les deux étapes suivantes me conduisant à la frontière
turkmène ne furent que du bonheur. D'abord de bonnes conditions météo, mais
aussi, un paysage rayonnant de moyenne montagne, avec un col, un vrai, pas
très haut, mais avec des lacets, des pâturages à moutons et des cabanes de
bergers partout, de quoi m'abriter en cas d'orage la nuit, des chiens de prairie
et des oiseaux tout plein… bivouac de rêve dans l'herbe verte… Puis ce fut
la descente, imperceptible sur près de 100 km, dans une steppe basse, qui
m'amena à la frontière, à 250 mètres d'altitude.
Mais revenons à la frontière ou j'arrive à 6h30 du matin coté Iranien. Wait…
Le piou-piou de faction m'offre le thé… ça ouvre à 7h30 mais encore faut-il
attendre que les flics se mettent au boulot, que les ordinateurs chauffent
et que les tampons s'encrent…. 8h30… tamponné… je suis sur le pont ( y'a toujours
un pont aux frontières… )
But on the other side… coté turkmène, le passeport, faut pas
le remettre in the pocket… tu le porte en badge, c'est mieux.
Les flics (ou militaires, je sais pas ?) l'ont recopié une bonne dizaine de
fois, et à chaque fois faut qu'il traduisent parce que, eux, y z'écrivent
en russe. Dans sa guérite, le flic passe donc 10 minutes à recopier visa et
pedigrée, puis le bidasse qui lève la barrière à 3 mètres de là te
demande, solennel et sans rire "Passeport"… et ce scénario est à répétition.
Ensuite il y a la banque… car je dois payer 10$ de taxe pour le transit. Le
Gégé, il gueule un peu, pour le principe, ameute quelques gradés, car au prix
ou je l'ai payé ce visa de transit, la rallonge, c'est un peu gros… mais bon,
go to the bank. J'en profite pour changer quelques dollars… Pas possible,
me dit-on… Mais à la réflexion, ajoute t-on, ça peut s'arranger… au noir et
sans reçu… sous l'oeil des flics… Le risque est faible, je le prends et de
toute façon, il me faut des Manats (la monnaie locale) Je saurai quelques
jours plus tard que je m'ai fait entuber… (Oh, juste une poignée d'Euros)
Puis il y a la fouille… Ah ! la fouille !… 2 militaires déballent mon matériel
sous l'œil torve et amorphe de 3 autres. Derrière le comptoir, 2 femmes et
3 hommes observent la scène sans toutefois se sentir réellement concernés.
(doit pas y avoir de chômage ici…) Une des douanières m'invite ensuite à déclarer
certains matériels... Kamera… GPS… (what is it ? Etonnements béats…) Computer…
Dollars… Récépissé manuel en plusieurs exemplaires… tamponnés… mais où est
donc le tampon ?… C'est toi, non c'est elle, non… Ah ! Le voilà. La dame me
tend enfin le précieux papier avec un "finish" ponctué d'un soupir de soulagement
et d'un sourire triomphant…
Frontière… Turkménistan … Turkmenebachy… Niyazov, tu connais ? Saparmourad
Niyazov. Il s'est baptisé Turkmenebachy : le père des Turkmènes et
s'est aussi déclaré Président à vie…
Si t'as des envies d'émigration, tu peux venir, il a promis une Mercedes neuve
à chaque famille dans la décennie qui vient. Le XXI siècles sera celui du
Turkménistan, c'est écrit partout….
Mercedes ! Mais pour rouler où ? Parce qu'elles sont caca les routes ici…
c'est l'enfer du Karakoum, le Paris Roubaix d'Asie centrale. Le soir, t'es
content quand ça s'arrête.
En selle… mais il y a encore quelques barrières de police...
Il est bientôt midi et je n'ai fait que dix bornes. Il m'en reste 120 et le
vent n'est pas mon copain aujourd'hui. (y'a des jours, comme ça où personne
ne t'aime)
Positivons : Les Turkmènes sont des gens avenants, charmants, toujours prêts
à rendre service. Pourtant, ils n'ont pas été gâtés dans ce pays, car les
invasions au cours des siècles, ils en ont eu leur dose, un coup dans un sens,
un coup dans l'autre… et à chaque tour de manège, l'envahisseur rasait gratis
au passage…
Donc, la physionomie du pays aujourd'hui, c'est celle du dernier envahisseur.
Les vestiges de la route de la soie…y'a plus, plus du tout. Les villages sont
copies conformes des villages russes, les villes aussi… Avenues immenses,
squares fleuris, statues… bâtiments administratifs nombreux, modernes et démesurés,
et bien sur des "HLM" délabrés pour le bon peuple, quelques kiosques… de rares
boutiques.
J'ai franchi l'Amou-Daria… sur un pont de bateaux, et je suis donc maintenant en Ouzbékistan depuis 48h. Je prends deux jours de repos pour visiter les merveilles qui jalonnent Boukhara, car si j'ai commencé en vous contant les affres de Gengis Khan, il faut
Après Mary, (Merv) il m'a fallu traverser le désert du Karakoum dont
j'avais lu le plus grand bien… géhenne invivable, serpents, scorpions, mygales…
Et bien, en mai, j'ai trouvé un désert accueillant, vert, couvert de buissons
saxatiles fleuris, avec de nombreux oiseaux, des fennecs et des chiens de
prairie jouant à cache cache.
J'y ai planté ma tente dans le sable, sans crainte et n'y ai fait aucune mauvaise
rencontre.
Des serpents, j'en ai vu, beaucoup, mais bien aplatis, victimes innocentes
de l'automobile… Mes enfers, ce furent le vent et la mauvaise route… J'ai
même succombé à la tentation, je suis descendu de vélo et j'ai levé le pouce…
mais personne n'est passé et j'ai du me résoudre à pédaler jusqu'à Turkmenabad.
Dans les rues, quelques voitures haut de gamme, mais beaucoup d'épaves roulantes
et de side-cars.
Quant au bus, ils sont semblables aux bus boubous africains avec quelques
vitres en plus mais aussi quelques bosses et de la rouille en plus. Les mini
jupes… rares… peut-être à Ashkabad, la capitale. Ici en ville, les filles
sont belles, fines et élancées avec de longues robes de soie aux couleurs
chatoyantes. En revanche, dans les villages, on les ballade par charrettes
entières pour les emmener trimer aux champs… ou sur le bord des routes lors
des journées de corvées... Alors, là, le costume est traditionnel et elles
enveloppent entièrement leur visage pour se protéger de la poussière et du
soleil.
A Repetek (centre de recherche sur le désert), il y a un restau où j'ai écrit sur le livre d'or. François et son copain (Enquête de soie) l'avaient signé en mars… ils me précèdent…
expliquer qu'un de ses descendants a reconstruit la cité au 16ème siècle.
Merveille.
Je suis donc rasé de près, vêtu de propre, un touriste parmi les touristes
et il y en a… et même des Français.
Je vous retrouverai à Tachkent ou à Andijan… peut-être.
Biz a tous
Gégé