20 mai 2004, Bukhara ( Ouzbékistan) -Km 1746

Salam,

Buxoro, ça, c'est en ouzbek, et c'est écrit comme ça sur le panneau a l'entrée de la ville. En russe, c'est "byxapa"… bon, j'abrège, je suis à Boukhara, cité sanctuaire de l'Asie centrale ancienne, ville aux 360 mosquées, d'où la religion se retira sous les sabots de Gengis Khan, celui que les manuels d'histoire qualifient de "plus grand conquérant de tous les temps" (Eh ! T'y crois, toi, qu'il est né d'une daine et d'un loup ? … )
Il rasa la ville mais aussi Samarkand et Merv et d'autres encore… Du passé faisons table rase… c'était déjà dans l'air du temps, mais il épargna le Minaret Kalyan, impressionné par ses 47 mètres de haut.
Huit siècles plus tard, les obus bolcheviques furent moins sentimentaux… Heureusement restauré, ce minaret fait désormais partie du patrimoine mondial de l'UNESCO. C'était la séquence histoire…Je vous avais quitté à Machhad, ville sainte d'Iran. Les deux étapes suivantes me conduisant à la frontière turkmène ne furent que du bonheur. D'abord de bonnes conditions météo, mais aussi, un paysage rayonnant de moyenne montagne, avec un col, un vrai, pas très haut, mais avec des lacets, des pâturages à moutons et des cabanes de bergers partout, de quoi m'abriter en cas d'orage la nuit, des chiens de prairie et des oiseaux tout plein… bivouac de rêve dans l'herbe verte… Puis ce fut la descente, imperceptible sur près de 100 km, dans une steppe basse, qui m'amena à la frontière, à 250 mètres d'altitude.

Mais revenons à la frontière ou j'arrive à 6h30 du matin coté Iranien. Wait… Le piou-piou de faction m'offre le thé… ça ouvre à 7h30 mais encore faut-il attendre que les flics se mettent au boulot, que les ordinateurs chauffent et que les tampons s'encrent…. 8h30… tamponné… je suis sur le pont ( y'a toujours un pont aux frontières… )
But on the other side… coté turkmène, le passeport, faut pas le remettre in the pocket… tu le porte en badge, c'est mieux.
Les flics (ou militaires, je sais pas ?) l'ont recopié une bonne dizaine de fois, et à chaque fois faut qu'il traduisent parce que, eux, y z'écrivent en russe. Dans sa guérite, le flic passe donc 10 minutes à recopier visa et pedigrée, puis le bidasse qui lève la barrière à 3 mètres de là te demande, solennel et sans rire "Passeport"… et ce scénario est à répétition.
Ensuite il y a la banque… car je dois payer 10$ de taxe pour le transit. Le Gégé, il gueule un peu, pour le principe, ameute quelques gradés, car au prix ou je l'ai payé ce visa de transit, la rallonge, c'est un peu gros… mais bon, go to the bank. J'en profite pour changer quelques dollars… Pas possible, me dit-on… Mais à la réflexion, ajoute t-on, ça peut s'arranger… au noir et sans reçu… sous l'oeil des flics… Le risque est faible, je le prends et de toute façon, il me faut des Manats (la monnaie locale) Je saurai quelques jours plus tard que je m'ai fait entuber… (Oh, juste une poignée d'Euros)
Puis il y a la fouille… Ah ! la fouille !… 2 militaires déballent mon matériel sous l'œil torve et amorphe de 3 autres. Derrière le comptoir, 2 femmes et 3 hommes observent la scène sans toutefois se sentir réellement concernés. (doit pas y avoir de chômage ici…) Une des douanières m'invite ensuite à déclarer certains matériels... Kamera… GPS… (what is it ? Etonnements béats…) Computer… Dollars… Récépissé manuel en plusieurs exemplaires… tamponnés… mais où est donc le tampon ?… C'est toi, non c'est elle, non… Ah ! Le voilà. La dame me tend enfin le précieux papier avec un "finish" ponctué d'un soupir de soulagement et d'un sourire triomphant…

Le Paris Roubaix d'Asie centrale

Frontière… Turkménistan … Turkmenebachy… Niyazov, tu connais ? Saparmourad Niyazov. Il s'est baptisé Turkmenebachy : le père des Turkmènes et s'est aussi déclaré Président à vie…
Si t'as des envies d'émigration, tu peux venir, il a promis une Mercedes neuve à chaque famille dans la décennie qui vient. Le XXI siècles sera celui du Turkménistan, c'est écrit partout….
Mercedes ! Mais pour rouler où ? Parce qu'elles sont caca les routes ici… c'est l'enfer du Karakoum, le Paris Roubaix d'Asie centrale. Le soir, t'es content quand ça s'arrête.

En selle… mais il y a encore quelques barrières de police...
Il est bientôt midi et je n'ai fait que dix bornes. Il m'en reste 120 et le vent n'est pas mon copain aujourd'hui. (y'a des jours, comme ça où personne ne t'aime)

Positivons : Les Turkmènes sont des gens avenants, charmants, toujours prêts à rendre service. Pourtant, ils n'ont pas été gâtés dans ce pays, car les invasions au cours des siècles, ils en ont eu leur dose, un coup dans un sens, un coup dans l'autre… et à chaque tour de manège, l'envahisseur rasait gratis au passage…
Donc, la physionomie du pays aujourd'hui, c'est celle du dernier envahisseur.
Les vestiges de la route de la soie…y'a plus, plus du tout. Les villages sont copies conformes des villages russes, les villes aussi… Avenues immenses, squares fleuris, statues… bâtiments administratifs nombreux, modernes et démesurés, et bien sur des "HLM" délabrés pour le bon peuple, quelques kiosques… de rares boutiques.

Check-point... cool
en attendant la Mecédès promise...

journée de corvée sur le bord de route...

"HLM" délabrés pour le bon peuple

J'ai franchi l'Amou-Daria… sur un pont de bateaux, et je suis donc maintenant en Ouzbékistan depuis 48h. Je prends deux jours de repos pour visiter les merveilles qui jalonnent Boukhara, car si j'ai commencé en vous contant les affres de Gengis Khan, il faut

Après Mary, (Merv) il m'a fallu traverser le désert du Karakoum dont j'avais lu le plus grand bien… géhenne invivable, serpents, scorpions, mygales… Et bien, en mai, j'ai trouvé un désert accueillant, vert, couvert de buissons saxatiles fleuris, avec de nombreux oiseaux, des fennecs et des chiens de prairie jouant à cache cache.
J'y ai planté ma tente dans le sable, sans crainte et n'y ai fait aucune mauvaise rencontre.
Des serpents, j'en ai vu, beaucoup, mais bien aplatis, victimes innocentes de l'automobile… Mes enfers, ce furent le vent et la mauvaise route… J'ai même succombé à la tentation, je suis descendu de vélo et j'ai levé le pouce… mais personne n'est passé et j'ai du me résoudre à pédaler jusqu'à Turkmenabad.

Dans les rues, quelques voitures haut de gamme, mais beaucoup d'épaves roulantes et de side-cars.
Quant au bus, ils sont semblables aux bus boubous africains avec quelques vitres en plus mais aussi quelques bosses et de la rouille en plus. Les mini jupes… rares… peut-être à Ashkabad, la capitale. Ici en ville, les filles sont belles, fines et élancées avec de longues robes de soie aux couleurs chatoyantes. En revanche, dans les villages, on les ballade par charrettes entières pour les emmener trimer aux champs… ou sur le bord des routes lors des journées de corvées... Alors, là, le costume est traditionnel et elles enveloppent entièrement leur visage pour se protéger de la poussière et du soleil.

A Repetek (centre de recherche sur le désert), il y a un restau où j'ai écrit sur le livre d'or. François et son copain (Enquête de soie) l'avaient signé en mars… ils me précèdent…


"Bagdad café" à Répetek


Pont de bateaux sur l'Amou Daria

expliquer qu'un de ses descendants a reconstruit la cité au 16ème siècle. Merveille.
Je suis donc rasé de près, vêtu de propre, un touriste parmi les touristes et il y en a… et même des Français.
Je vous retrouverai à Tachkent ou à Andijan… peut-être.

Biz a tous
Gégé