13 sept Nuweba
Bonjour, sabah el kheir,
Je
suis bien en Egypte mais pas encore au pays des Pharaons Fimosys et compagnie
et autre Reine Sachetdesoup ; Je suis au pays des bédouins.
Ce matin, le bédouin sorti de son pick-up "pigeot" me demanda
ma nationalité, puis me précisa la sienne : "Bédouin
du Sinaï" avant de me proposer le thé…
Après la Tunisie, c'est bien un autre monde… et ce n'est pas
moi qui m'en plaindrai.
Le bédouin s'est exprimé "in english" s'il vous plait…
étonnement… Hier je me suis fait expliquer… les bédouins
ne sont généralement pas scolarisés, mais certains ont
appris l'anglais oralement auprès des touristes. Maintenant, ils se
transmettent ce langage toujours oralement… étonnant… non
?
Je recapépète… je suis arrivé au Caire le 8 sept
à19h45, la nuit s'est installée pendant l'atterrissage. Ma destination
première étant l'Est et l'aéroport étant situé
à l'Est (ville nouvelle d'Héliopolis), il était exclu
pour moi d'aller dormir à la capitale. J'ai donc squatté un
petit coin sympa, à même l'aérogare (mais à l'extérieur)
et j'y ai installé mon bivouac sous l'œil même pas étonné
des employés qui venaient là, fumer leur clop.
Le lendemain matin, comme aurait dit Totor "à l'heure où
blanchit la campagne, je partirai, j'irai par les chemins…"
J'ai
donc effectivement pris la route pour une balade de 140 bornes… Le Caire
- Suez. Une étape de transition, par l'autoroute aux paysages assez
monotones, jalonnée de casernes sur des dizaines de kilomètres,
fréquentée par des camions bruyants, et sous une chaleur raisonnable
(32-33°). La journée fut ponctuée de quelques haltes techniques…
boire… manger.
A Suez, les hôtels "bon marché" étant
tous complets, j'ai dû frapper à la porte des hôtels…
"TRES BON MARCHE"… 10 Livres Egyptiennes la piaule (10 balles…
je compte en francs, car francs et livres égyptiennes c'est kif-kif)
Bon, mais j'en avais pour 10 balles et le soir, quand je suis rentré
peu après 21h, j'étais pas tout seul…
Ah non… y'avait pas d'autres clients ! Mais par terre et même
sur le lit, il y avait une vie intense… Il m'a fallu faire un peu de
ménage et manifester une certaine autorité avec les petites
bêtes… rassure-toi Claude, y'avait pas de grenouille…
A part ça, Suez était débordante de vie à la nuit
tombée. La nourriture se trouve à des prix dérisoires
(ailleurs aussi) (Deux brochettes, tahina, salade tomate concombre pour 2
Euros) Le thé coûte 15 centimes et l'eau en bouteille 25 centimes.
Apres Suez, j'ai rejoint le Sinaï. Les guerriers (militaires pour les
puristes) m'ont empêché de prendre le bac qui franchit le Canal
(bac que j'avais utilisé il y a bientôt dix ans)… Zone
militaire qu'ils disaient… mais pourtant, il y avait une file de 500
m de camions qui attendaient…
J'ai fait venir un chef, ai même tenté le bakchich... ouallou.
Il m'a donc fallu me résigner à aller passer par le tunnel,
25 bornes de plus… sans compter les deux heures perdues (car j'attendais
depuis 7h du mat, le premier bac de 9h…)
Au tunnel, le guichetier du péage a été sympa (lui) et
m'a fait passer gratis… Je traverse donc le canal à 50m sous
le niveau de la mer et lorsque je suis remonté de l'autre côté,
j'ai pu voir en me retournant, au-dessus de moi, la superstructure imposante
d'un porte containers glissant silencieusement… étonnant non
?
Le Sinai est un plateau entre 600 et 700m d'altitude, et là, ça
s'est gâté… the wind… dommage, car sans lui, l'ascension
aurait été une formalité, les pourcentages étant
faibles, et malgré un chargement alourdi par 7 litres de flotte (je
sais que je ne trouverai rien avant 100 Km )
Je ne me lasserai jamais des déserts. Vous savez quoi… quelqu'un a écrit "le désert ne peut tolérer que ceux qui ont une vie intérieure. La solitude doit être meublée". J'ai donc une vie intérieure… tu te rends compte… car je supporte, mieux, j'aime le Désert et il semble me le rendre.
Le
décor me fait donc oublier mes efforts. Je retrouve le lieu d'un bivouac
sympathique d'il y a 9 ans, mais depuis, les bidasses ont transformé
leur petit poste de guet en une importante garnison…
Les difficultés du jour franchies, la route de qualité superbe,
redescend vers une hamada sans fin. J'aligne encore quelques kilomètres
et installe le bivouac sous un des rares acacias. Les militaires (encore eux)
me rendent visite… military area… you don't can sleeping…
Military area, mon c.., c'est plein de crottes de chèvres et de trace
de campements bédoins...
Bon, je m'exécute et 4 Km plus loin (pas de problème ont-ils
dit) je jette mon barda dans un creux de carrière, à l'abri
du vent et des regards indiscrets.
Nuit merveilleusement fraîche après les étuves tunisiennes
(12 degrés au matin). Nuit magnifiquement étoilée aussi,
hélas trop peu de temps : Madame la Lune est pleine et elle le fait
savoir, la garce… tu te croirais en plein jour… Mars est encore
très visible, intense et jaune, la première en place dès
que le rideau est tiré…
Ma seconde étape au Sinaï était en apparence plate à
une altitude de 400m. Ce fut vrai les 50 premiers kilomètres, mais
ensuite, par trois fois, je remontai des faux plats interminables jusqu'à
750m d'altitude, le vent étant toujours désagréable.
De temps à autre, un chameau venu d'on ne sait où, pâture
on ne sait quoi…
10h du matin, pas très loin de la route, un dromadaire, la rahla harnachée
sur la bosse, broûte. Je cherche le bédouin et mets plusieurs
minutes à le découvrir… il pionce quelques centaines de
mètres plus loin, à l'ombre étroite d'un épineux
rachitique.
Rompant la monotonie de la hamada, quelques gours dechiquettés barrent
parfois l'horizon. Ils sont l'objet d'une de mes distractions… combien
de kilomètres avant de les atteindre ? 12, 15 ? L'appréciation
des distances est difficile dans cet environnement pour un œil non exercé,
et souvent j'ai tout faux…
Au Km 50, à Nakl, le "Bagdad café - pompe à essence
- mosquée" a bien changé (ça c'est pour Laulau)
C'est maintenant un village, avec plein de gargotes et de réparateurs
en tous genres, quant au grand restau principal, il est maintenant équipé
d'eau courante, avec des batteries de lavabos et de pissoirs, de quoi soulager
simultanément, les vessies de tout un autocar…. Et il y a aussi
désormais de grands réfrigérateurs avec pleins de Pepsi
glacé et d'eau fraîche… Je ravitaille, désaltère,
mange, abblutionne….
En fin de journée, 6 Km plus loin, le second "bagdad café'
(El Tamad) (il y en a deux sur le parcours Suez-Taba) en revanche, lui, n'a
pas changé… il est même un peu plus crasseux. On ne m'y
propose qu'une omelette, et de surcroît je dois me fâcher fort
pour payer le même prix qu'au précédent, le gamin de l'établissement
tenu par sa mère, me facturant trois fois le prix…
Au-delà de ce point, j'entre dans un autre système montagneux
qu'il faut escalader pour en sortir… côté Mer Rouge…
Décors toujours majestueux aux couleurs changeantes dans la lumière
du soir, à l'heure où les ombres s'allongent comme dit le poète…
Une ultime rampe à gravir, je décline l'offre du bédouin
me proposant de tout charger dans la Pigeot (ou Mitsubishi, j'ai pas regardé)
puis ce col franchi, je bivouaque près de baraquements abandonnés,
l'intérieur me permettant de cuisiner à l'abri du vent, mais
je couche à l'extérieur, voûte céleste oblige…
Hier, 60km de faux plats montants suivis de 60km de descente sublime le long
de l'oued d'abord, puis dans un canyon aux milles couleurs. Ensuite…
je fus encore l'hôte des bédouins. La vie reprend au fur et à
mesure que l'altitude détroit. Sous les 250m les palmiers réapparaissent
par petites touffes vertes, égayant ce décor minéral
ocre, rouge ou noir, et se substituant aux acacias de la hamada.
Seule ombre au tableau, les 15 derniers Km de ce canyon de plus en plus étroit
sont balayés par un vent violent et brûlant (39,5° à
Nuweba) remontant face à moi, et malgré la pente, mes efforts
sont démesurés… Mais au bout il y a la Mer Rouge…
d'un bleu intense...
"sous les coups de pédales… la plage".
Je loue 5 francs une paillote au Sababa Camp avec matelas, ventilateur et
sanitaires impeccables… et à 16h je nage au-dessus des poissons
clowns, chirurgiens, papillons, rougets et des milliers d'autres poissons
multicolores, sans oublier les gorgones et coraux ou encore, les oursins diademas…
Le monde merveilleux du commandant au bonnet rouge quoi ! Une heure plus tard,
je bouquine Frison Roche - La piste oubliée - le cul dans un hamac,
à l'ombre des palmes séchées… Pas belle la vie….
Aujourd'hui, samedi, journée chômée, baignade, glandage…
Demain, je gagne les hauteurs des Monts Moïse et Catherine (plus de 2
500m) et j'irai sans doute quelques jours, à l'aide du dromadaire,
dans les pas du bédouin sur les pistes millénaires…
Au fait, je parle de moi… et vous, la rentrée, ça va ?
Allez, ma'assalam, good bye, au revoir,
La biz etc.…
Gégé